L’actu du 12 février 2020 /
C’est l’histoire d’un texte au nom farfelu mais qui ne cesse de faire parler de lui et agite la bulle bruxelloise.
Le concept
La taxonomie (ou taxinomie, en bon français). Les fonctionnaires de la Commission européenne ne pouvaient pas trouver de terme plus rebutant pour désintéresser tous citoyens de leur projet. Il désigne en fait une classification. En l’occurrence ici, celle des différents types d’investissements.
En 2018, sous le mandat précédent de l’exécutif européen (la Commission Juncker), Bruxelles a proposé d’uniformiser les labels « verts » accolés aux prêts accordés par les banques et organismes financiers. L’idée était d’avoir une règle commune, pan-européenne, pour définir ce qu’on pouvait qualifier d’investissement vert. Ainsi, lorsque par exemple un citoyen letton ou un habitant de Porto irait placer son argent dans un produit financier (assurance vie, plan épargne retraite, placements etc) « vert », ses euros financeraient les mêmes types de projets durables. Ce serait donc la fin de ce qu’on appelle le « green washing », le fait de faire croire que l’argent investi sert à des dépenses bonnes pour l’environnement ou que des activités pas toujours très écolos sont bonnes pour la planète.
La mise en pratique
En 2020, la loi a vu le jour. Elle s’insérait parfaitement dans le projet-phare de la nouvelle Commission qui allait suivre : le Green Deal. Le classement des activités vertes permettra de flécher l’argent bien plus clairement, vers le financement des projets qui contribueront à la lutte contre le changement climatique et à la protection de l’environnement. D’abord destiné à aider monsieur et madame tout-le-monde à faire le tri dans les prêts et assurances sur le marché, ce nouvel outil s’avère finalement aussi très utile pour encadrer les financements publics européens censés être «verts ».
Lorsque le budget de l’UE pour 2021-2027 et le plan de relance post-covid ont été votés a l’été 2020, les dirigeants européens se sont accordés pour flécher plus d’un tiers des dépenses en direction de l’environnement et du climat. Jusqu’ici, il était difficile de contrôler cette part « verte » du budget. Mais il fut proposé que désormais, ce soit la taxonomie qui, une fois sur pied, définisse ces dépenses durables.
Dès lors, l’importance d’intégrer cette classification devient de plus en plus grande, pour les différentes activités économiques. Il ne s’agit plus seulement de pouvoir être financé par des prêts et investissements « verts » mais aussi d’avoir accès à une part importante des financements publiques et notamment d’avoir accès à certains financements européens.
Un projet pharaonique
Ainsi, les entreprises et les banques devront publier la part de leurs activités qui répondent aux critères de durabilité des activités. Cela permettra ensuite de concocter des placements, des prêts, véritablement « verts ». Pour rendre le texte applicable, restait encore le plus difficile : lister ces critères, c’est à dire les conditions qui garantissent la durabilité d’une activité économique. Les experts se sont donc creusé la tête de longs mois pour encadrer un maximum de domaines (construction d’aéroport, data center, sylviculture, production d’électricité, etc). Le travail s’est révélé colossal. D’autant plus qu’une armée de lobbyistes, des défenseurs des intérêts de tous les pans de l’économie, ont tenté de mettre leur grain de sel pour faire entrer dans cette classification « verte », les activités qu’ils défendent.
Le gaz et le nucléaire font polémique
La Commission européenne a donc eu bien du mal à proposer des critères pour chaque activité. Une première liste a été publiée en avril et adoptée en décembre 2021. Elle détaille l’ensemble des conditions qui doivent être satisfaites si une activité économique prétend lutter contre le changement climatique. Une autre liste suivra cette année, pour détailler les critères qu’il faudra respecter si une activité prétend contribuer à des objectifs plus environnementaux (lutte contre la pollution, préservation de la biodiversité, etc).
Mais certains secteurs bloquent encore : ainsi Bruxelles n’a pas trouvé le moyen de satisfaire les professionnels du milieu agricole, les ONG ou encore les dirigeants des Vingt-Sept. Les conditions de durabilité des activités agricoles ne sont donc pas encore rédigées.
Du côté de l’énergie, les défenseurs du nucléaire et du gaz ont usé des meilleurs arguments pour entrer dans la taxonomie « verte » au titre de la transition vers la neutralité climatique. Après un intense lobbying, la Commission a publié, début février 2022, une proposition de critères pour inclure ces deux sources d’énergie à son classement. Les ONG et certains États membres comme l’Autriche ou le Luxembourg sont vent debout pour ne pas accepter des activités si polluantes dans cette classification qui est censée contribuer à la protection de la planète. Ils menacent même d’une action en justice. Pour eux, cet outil «anti-green washing» perd toute crédibilité en intégrant le gaz et l’atome.
Les Vingt-sept États et les eurodéputés ont désormais 4 à 6 mois pour former la majorité nécessaire pour rejeter ou accepter la proposition de la Commission. La Commission espère avoir défini l’ensemble des critères nécessaires à l’intégration des activités à la taxonomie d’ici la fin de l’année.
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