La presse belge révélait, le 9 décembre, l’arrestation de l’une des vice-présidentes du Parlement européen accusée de recevoir des valises d’argent du Qatar en échange de prises de position favorable à l’Émirat du golfe. Depuis, plusieurs eurodéputés ont été interrogés, leurs bureaux placés sous scellés. Une affaire qui ravive les questions de contrôle du lobbying à l’intérieur des institutions européennes.
Le coup de filet, le 9 décembre, a surpris tout le monde. Il n’était en fait que la conclusion provisoire d’une enquête, menée depuis la mi-juillet par l’office belge pour la répression de la corruption, sur « des faits présumés d’organisation criminelle, de corruption et de blanchiment ». Un pays du Golfe, le Qatar, est soupçonné « d’influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen, cela en versant des sommes d’argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants » à des personnalités politiques influentes de l’institution.
Première accusée sur la liste, l’une des 14 vice-présidentes du Parlement, la Grecque, Eva Kalli, chez qui des centaines de milliers d’euros ont été retrouvés dans des valises. À la tête de l’association des anciens députés européens, l’Italien Pier Antonio Panzeri est lui aussi détenteur d’énormes sommes d’argent en liquide, révèle la perquisition. D’autres élus ou assistants parlementaires sont également entendus, certains écroués.
Reste encore à comprendre ce que le Qatar a obtenu de la part de ces accusés. L’enquête continue sur ce point, mais déjà, des déclarations sont exhumées, qui indiquent une forte propension de certains eurodéputés, Eva Kalli en tête, à défendre les autorités qatariennes. Lorsque la jeune élue s’était rendue au Qatar peu avant le Mondial de football, elle avait salué les réformes de l’émirat en ces termes : « Le Qatar est un chef de file en matière de droit du travail ». Puis, à La tribune du Parlement européen, le 22 novembre : « Aujourd’hui, la Coupe du monde de football au Qatar est une preuve concrète de la façon dont la diplomatie sportive peut aboutir à une transformation historique d’un pays dont les réformes ont inspiré le monde arabe ».
Pour l’ONG Transparency International, fer de lance de la lutte contre la corruption dans les institutions bruxelloises, le Parlement a laissé se développer une « culture de l’impunité ». Et ce, « depuis plusieurs décennies ». En cause selon elle : des règles et des contrôles financiers laxistes. En effet, le lobbying exercé par les pays hors UE n’est pas couvert par le « registre de transparence ». Ce dernier ne recense que les rencontres entre élus et représentants d’intérêts privés (des lobbyistes travaillant pour des entreprises comme Total, Peugeot ou Coca-cola, par exemple). Aucune obligation donc, de déclarer ses rendez-vous avec les émissaires qatariens, chinois, ou même russes.
En théorie, il est toutefois possible de savoir, via le registre de transparence, si un cabinet de lobbying accrédité pour entrer au Parlement européen, entretient des liens avec des pays hors de l’UE. Mais ce document n’est pas entièrement fiable, beaucoup pointent du doigt son staff en sous effectif, incapable de contrôler l’entièreté des déclarations faites par les lobbyistes et les élus.
« Je propose la création d’une instance éthique qui s’étendra à toutes les institutions européennes », a rapidement déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, quelques jours après la révélation des soupçons de scandale. L’idée n’est pas nouvelle. Une révision des règles de transparence et de lobbying est à l’étude depuis 2019. Mais le dossier qui trainait et commençait à prendre la poussière faute d’accord entre les institutions, pourrait bien revenir, dans ce nouveau contexte, sur le dessus de la pile.
La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a aussi promis de « mener une enquête interne » et de « lancer un processus de réforme » afin de « voir qui a accès à nos locaux, comment les organisations, ONG et personnalités qui y ont accès sont financées, quels liens elles entretiennent avec des États ».