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Budget européen : Bruxelles demande quelques milliards supplémentaires
L’actu du 26 juin 2023 /
Le budget de l’Union européenne est négocié tous les sept ans. En 2020, Parlement et États membres se sont mis d’accord sur l’enveloppe à dépenser entre 2021 et 2027. Mais pour s’adapter à la réalité (aux crises éventuelles, à l’inflation galopante, etc.) ces calculs sont révisés à mi-parcours. C’est le cas en ce moment à Bruxelles. La Commission européenne demande une petite centaine de milliards d’euros supplémentaires.
La Commission européenne a proposé, le 20 juin, une modification du cadre budgétaire de l’UE établit pour sept ans. Il s’agit de la classique « révision à mi parcours », une proposition que Parlement (représentant les citoyens) et Conseil (représentant les États membres) devront ensuite amender et adopter. La Commission demande une rallonge qu’elle justifie par plusieurs épisodes qui étaient encore imprévisibles à l’époque des négociations, en 2019-2020.
Financer l’imprévu
D’abord la guerre en Ukraine. Elle a bouleversé les équilibres financiers des États membres (dépenses militaires revues à la hausse notamment) et de l’UE, qui a aussi dû débloquer en urgence des fonds d’aide aux réfugiés Ukrainiens ou à l’économie du pays attaqué. Toutes les conséquences de cette guerre ont aussi profondément affecté le budget européen.
Les tensions sur le front du gaz — que le dirigeant Russe Vladimir Poutine a en grande partie coupé à l’Europe — ont contribué à faire exploser les prix de l’énergie. Ces derniers se sont répercutés sur les prix de nombreux autres produits dont la fabrication est devenue plus chère à cause de la facture énergétique. Ce phénomène de prix qui gonflent automatiquement et sans discontinuer est appelé « inflation ». C’est lui qu’invoque aussi la Commission européenne pour demander de revoir à la hausse le budget européen.
Nouvelles priorités
Les 99 milliards d’euros que l’exécutif européen propose d’ajouter aux 1 214 milliards déjà prévus dans l’enveloppe 2021-2027 serviront d’abord à renforcer l’arsenal d’aide à l’Ukraine. Ainsi, il entend créer un nouveau dispositif destiné à Kiev : 50 milliards d’euros d’ici 2027 — dont 33 milliards sous forme de prêts, remboursables donc. Une dépense jugée indispensable par la Commission européenne pour continuer à aider l’Ukraine financièrement et militairement.
Les enveloppes consacrées à la politique migratoire doivent aussi être revues à la hausse estime Bruxelles. 15 milliards doivent permettre de renforcer les frontières et les partenariats avec les pays tiers par lesquels transitent ou d’où proviennent les réfugiés. Il s’agira par exemple de « soutenir les réfugiés syriens en Turquie et dans la région », explique la Commission.
Hausse modeste
La hausse du budget proposée par la Commission est relativement modeste. 99 milliards sur plus de 1 000 milliards d’euros. L’exécutif n’a pas osé proposer de revoir l’enveloppe de la politique agricole commune par exemple. Un secteur pourtant très touché par la pandémie de Covid et par la hausse du prix des engrais (dont une partie de la production dépendait de la Russie et de l’Ukraine et a donc été perturbée par la guerre). Il n’a pas osé non plus rehausser le budget censé limiter le réchauffement climatique. Au grand dam des ONG environnementales pour qui l’urgence écologique devrait justifier des dépenses massives.
Le « fonds de souveraineté », qu’Ursula von der Leyen avait suggéré en septembre dernier pour soutenir l’économie européenne et égaler les États-Unis dans l’aide massives aux entreprises, n’a finalement pas été repris. La présidente de la Commission européenne a compris que les États membres restaient très divisés sur la nécessité d’un nouveau fonds à alimenter par l’argent des Vingt-Sept. Bruxelles ne propose donc plus que 10 milliards d’euros supplémentaires (le plan américain appelé « inflation reduction act » ou « IRA » compte 369 milliards sur dix ans) qui alimenteront des programmes existants censés soutenir l’innovation, l’investissement, les technologies vertes et numériques. C’est la « plateforme des technologies stratégiques pour l’Europe ». Exit le « fonds de souveraineté ».
Nouvelles recettes
Mais où trouver cet argent supplémentaire ? Bruxelles propose de nouvelles « ressources propres », c’est le nom donné aux recettes venant alimenter le budget européen. Traditionnellement, il s’agit des droits de douane et autres contributions des États membres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Avec son paquet climat, présenté à l’été 2021, la Commission avait déjà annoncé vouloir augmenter les recettes liées aux émissions de CO2 : le marché du carbone et la nouvelle taxe carbone aux frontières devraient rapporter plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Ce à quoi l’exécutif propose d’ajouter une nouvelle « ressource propre » : une taxe des États sur leurs grandes entreprises à hauteur de 0,5 % des profits, que les Vingt-Sept redirigeraient automatiquement vers le budget européen. Recettes attendues : 16 milliards d’euros par an.
Négociations à venir
Mais toutes ces propositions doivent encore passer le cap des négociations au sein du Parlement, au Conseil puis entre ces deux institutions. Il faut donc s’attendre à ce que la copie de la Commission soit largement réécrite. On l’a dit, aucun consensus n’existe entre les Vingt-Sept pour créer de nouvelles dépenses et de nouvelles recettes. Au Nord, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et d’autres ne veulent pas augmenter leur contribution au budget européen. Au Sud, France, Espagne ou Italie préféreraient flécher plus d’argent vers les plans de relance post-Covid qui leur sont directement destinés.
La Commission espère boucler cette « révision à mi parcours » avant les élections européennes de juin 2024. Mais le processus s’annonce ardu. La création de nouvelles ressources propres par exemple, requiert l’unanimité des États membres et la ratification des parlements nationaux.