La pandémie mondiale a fait l’effet d’un électrochoc. Touchant violemment les personnes âgées et mettant sous pression les systèmes de santé, elle a mis le vieillissement au cœur du débat européen. Ainsi le 27 janvier, la Commission européenne a publié un « État des lieux » des enjeux de ce phénomène démographique et recueille l’avis des citoyens sur ce constat. À vos plumes !

Le constat

Le Vieux-continent n’a jamais si bien porté son nom. 20 % de la population européenne a au moins 65 ans et cette proportion montera à près d’un tiers en 2070. La faute à quoi ? Le vieillissement est d’abord une bonne nouvelle : il est dû à l’allongement de l’espérance de vie grâce à des systèmes de santé plus performants et aux progrès de la recherche. Mais ce n’est pas tout : comme dans beaucoup de « pays riches », les Européens font aussi moins d’enfants. Résultat, dans moins de trente ans, seulement une personne sur deux sera en âge de travailler (contre 1 sur 4 actuellement). Se pose alors la question du financement des retraites et de la protection sociale…

Nous sommes tous des « futurs vieux » 

Eh oui, pas question de traiter le phénomène du vieillissement en se focalisant uniquement sur les plus de 65 ans. « Les années qui vont de la petite enfance au jeune adulte nous affectent pour le reste de notre vie (…) et poser les bonnes bases dès le départ peut limiter certains des défis du vieillissement », constate la Commission.

Alors elle s’intéresse aux « vieux de demain » et propose des solutions pour que les jeunes de 2020 deviennent des seniors épanouis.

D’abord, une vie active saine. Bruxelles veut davantage s’engager pour améliorer les conditions de travail des actifs, l’équilibre entre vie pro et vie perso, l’adaptation de la carrière à l’arrivée des enfants (congés parentaux), la gestion du stress au travail, etc. Autant de clés pour garder le plus longtemps possible « une bonne santé ».

Ensuite, l’apprentissage tout au long de la vie. L’investissement continu dans la formation permet une mise à jour des compétences qui aident à garder son emploi, permet de réussir les transitions professionnelles nécessaires et contribue à la satisfaction professionnelle et donc au bien-être. La formation tout au long de la vie peut aussi retarder l’apparition des maladies mentales liées à la vieillesse. L’UE entend ainsi encourager les États à investir dans l’éducation, car « niveau élevé d’éducation et bonne santé vont de pair » écrit la Commission.

Booster l’intergénérationnel 

Nous sommes tous en contact avec les seniors… mais de moins en moins, constate Bruxelles dans son « état des lieux sur le vieillissement ». Les sociétés changent et nous prenons nos distances avec nos « vieux ». Dans le passé, il était plus courant que plusieurs générations vivent sous le même toit. Raviver ses liens intergénérationnels est l’une des solutions que propose la Commission et qu’elle soumet à notre avis de citoyen. Et cela passe notamment par le fait de revoir l’organisation « géographique » de nos sociétés. Si le brassage social est limité, c’est que les jeunes étudiants ont tendance à migrer vers les centres-villes, les familles s’installent en banlieue résidentielle, tandis que les plus âgés restent dans les zones moins densément peuplés, à l’écart des centres-villes.

L’Union veut mettre l’accent sur la solitude des seniors, un aspect renforcé par la crise sanitaire et le confinement, qui ont mis en évidence l’importance du contact social sur la santé mentale.

Autre préconisation pour plus d’intergénérationnel : développer la communication numérique. Là encore, la pandémie a beaucoup touché les personnes très âgées et fragiles vivant en établissement de soins, qui n’ont pas accès à la communication numérique ou n’ont pas les compétences pour l’utiliser. La commission appelle alors à « investir dans le digital » adapté au senior. Enfin, elle note la tendance encore naissante à aménager des logements multigénérationnels qui peuvent offrir un accompagnement aux personnes âgées tout en favorisant le transfert de connaissances.

Les jeunes de 2020 et la « silver economy » ! 

On le voit bien, la Commission dans son « état des lieux » lance de nombreuses pistes dans des domaines pour lesquels elle n’a pas directement la compétence d’agir : éducation, logement, urbanisme, protection sociale sont des politiques qui sont aux mains des États membres.

Mais si Bruxelles n’a pas de baguette magique, il y a un domaine d’action dans lequel l’UE a plus de pouvoir de décision et peut influencer les politiques nationales : l’économie. La Commission souligne les possibilités de création d’emplois via la « silver économie », c’est-à-dire l’économie des seniors. Il s’agit là d’investir, de développer tout un pan de l’économie reflétant les besoins spécifiques des personnes âgées : maison intelligente facilitant l’autonomie, technologie d’assistance et robots, mobilité automatisée, tourisme adapté, etc. La valeur économique de ces secteurs pourrait croître d’environ 5 % chaque année, assure la Commission.

De manière plus générale, elle entend aussi faire entrer davantage de personnes sur le marché du travail. Augmenter le taux d’emploi des femmes, des jeunes et même des seniors, pour financer les retraites des plus âgés et les systèmes de protection sociale.

Vers une « Union européenne de la santé »

On l’a vu avec la gestion de la Covid-19, la Commission européenne accroît ses compétences en matière de santé (financement de la recherche de vaccin, achat coordonné de matériel médical, stratégie de vaccination…). Bien que les États membres restent responsables de leurs politiques de Santé, l’Union peut les soutenir dans leurs efforts pour améliorer la qualité de vie de leurs citoyens. D’autant que désormais, il y a un vrai budget dédié : le programme EU4Health, c’est-à-dire 9,4 milliards d’euros sur sept ans pour répondre aux crises (réserves de fournitures médicales, de personnels et d’expert, surveillances des menaces…), mais aussi pour financer le renforcement les systèmes de santé des États (numérisation, meilleur accès aux soins, etc.).

Et concrètement  ? 

Pour le moment, cet état des lieux sur le vieillissement reste une première étape ayant le mérite de lancer un débat qui ne figurait pas sur l’agenda politique. Une grande consultation publique est aussi lancée, à destination des citoyens, des ONG, des autorités nationales ou locales. Nous sommes donc invités à réagir aux constats posés par la Commission européenne et aux solutions envisagées. L’institution s’engage ensuite à « examiner les mesures envisageables afin de renforcer les efforts déployés pour s’attaquer aux problèmes liés au vieillissement ». Elle pourrait, à terme, proposer une véritable feuille de route d’actions concrètes — voire législatives — sur ce thème.

Pour participer à la consultation, c’est ici . Ou là !