« Ce n’est qu’un au revoir », chantaient ce 29 janvier 2020 les eurodéputés en votant l’accord de retrait des Britanniques de l’Union européenne. Passé minuit, le samedi 1er février, le Royaume-Uni sort officiellement de l’Union. La saga de près de quatre ans toucherait-elle à sa fin ? Pas si sûr…
Au 1er février : quels changements pour les citoyens ?
Peu de chance que le quotidien des citoyens, des deux côtés de la Manche, soit bouleversé dans l’immédiat. En effet, l’accord de retrait prévoit une période de transition de presque un an pendant laquelle le statu quo est conservé, sauf pour les citoyens européens qui y sont installés et doivent à présent s’enregistrer pour continuer à bénéficier de leurs droits d’installation et de travail. Les Britanniques installés dans l’Union européenne, eux, conservent leurs droits de résider et de travailler dans leur pays d’accueil, et leur liberté de circulation sera garantie. Autre changement visible par exemple en France dès le mois prochain lors des élections municipales de mars 2020 : les 757 Britanniques élus au sein de conseils municipaux français ne seront plus autorisés à se présenter sur les listes. Même chose pour les électeurs : les Britanniques n’auront plus le droit de vote en France.
Au 1er février : chambardement dans les institutions européennes.
A minuit, le 1er février, les Britanniques quittent bel et bien les institutions européennes. Ils avaient déjà refusé de nommer un commissaire dans la nouvelle équipe d’Ursula von der Leyen. Au Conseil, leurs ministres n’auront plus de siège ni donc de droit de vote sur les lois européennes. Et côté parlement enfin, les eurodéputés qui quittent l’hémicycle chamboulent les équilibres : l’assemblée passe de 751 à 705 élus, perdant les 73 Britanniques mais gagnant 46 nouveaux députés, qui avaient été élus en mai dernier mais étaient en attente du départ des Britanniques pour prendre leurs fonctions. C’est le cas de 5 eurodéputés élus en France, dont la délégation passe donc de 74 à 79 députés européens. Cette nouvelle distribution modifiera quelque peu les forces en présence : les Verts passeront derrière l’extrême-droite (le groupe Identité et Démocratie), reculant de la quatrième à la cinquième place en termes de poids politique au Parlement.
Côté budget, les institutions européennes pourront toujours compter, en 2020, sur l’apport britannique. Ensuite, le Royaume-Uni devrait laisser un trou d’environ 11 milliards d’euros par an dans le budget européen et cesser, en contrepartie, de recevoir des fonds de l’UE.
Quand verrons-nous les conséquences du Brexit ?
Si l’effet du Brexit est peu visible au quotidien pour l’ensemble de la population, c’est que beaucoup d’inconnues demeurent sur le type de relations que les Européens de l’Union recréeront avec leurs voisins britanniques. Les deux parties ont un peu moins d’un an, d’ici au 31 décembre prochain, pour négocier ces relations. Les débats s’annoncent encore plus complexes que ceux qui ont eu lieu sur les termes de la sortie du Royaume-Uni. Boris Johnson l’a affirmé : il n’étendra pas la période de transition au delà du 31 décembre 2020. Il faudra donc renégocier à vitesse grand V des milliers d’accords dans des milliers de domaines : pêche, normes environnementales, transport aérien, échanges Erasmus, douanes, et tant d’autres. Est-ce possible en si peu de temps ?
Seule certitude : la situation Irlandaise. Elle était au coeur des blocages sur les conditions de sortie du voisin britannique. L’Irlande du Nord restera bien alignée sur un certain nombre de règles du marché unique de l’UE (comme les règles phytosanitaires ou de TVA par exemple). La frontière entre les deux Irlande (L’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni et au Sud la République d’Irlande membre de l’UE) ne sera donc pas fermée.
Si le Brexit « politique » a bien eu lieu, le Brexit « économique » pourrait bien s’acheminer là encore vers un « No Deal ». En effet, les deux parties ne sont pas sur la même longueur d’onde. D’un côté les Européens souhaitent proposer au Royaume-Uni l’accès complet au marché unique mais réclament en contrepartie qu’il s’aligne sur les règles européennes pour ne pas fausser la concurrence (en imposant par exemple moins de normes ou de taxes à leurs entreprises que ce qui se fait sur le continent). Impensable de l’autre pour le gouvernement Johnson ! Cela reviendrait à appliquer les règles européennes sans pouvoir les écrire ni les voter. Une situation bien pire qu’avant la sortie.
Les conséquences du Brexit dépendront donc des concessions que chaque camp sera prêt à faire dans chaque secteur. La saga est loin d’être terminée…